Le Chien

Rudolf Steiner a souvent écrit de son livre Philosophie de la Liberté et comment l’etudier, par exemple;“…si l’on étudie et éprouve intérieurement tout ce qui figure dans ma Philosophie de la Liberté par exemple, et ce au point d'éprouver ce sentiment;  Ce sentiment a été pour moi une impulsion, mais maintenant je peux vraiment reproduire par moi-même ces pensées exactement comme elles s'agencent.  Quand on se situe ainsi par rapport à ce livre - car c'est ainsi qu’il a écrit  - de la même façon qu’un virtuose qui doit jouer une pièce pour piano se situe par rapport au compositeur, en re-créant en lui l’ensemble de cette oeuvre - toutes proportions gardées, bien entendu - on peut déjà être conduit (à une transformation intérieure) grâce à la cohérence et à l'enchaînement rigoureux des idées de ce livre.  Car dans un cas comme celui de ce livre, ce qui est essentiel, c’est que les idées soient toutes disposées de façon à être agissantes.  Dans bien d’autres livres actuels, au fond, on pourrait amener telle partie plus tôt, telle autre plus tard, au prix d'infimes changements dans la méthode d’exposition.  Avec la Philosophie de la Liberté cela n’est pas possible. Il est tout aussi impossible d’avancer de cinquante pages les développements de la page 150 que de mettre à un chien les pattes de devant a la places des pattes derrière. Car ce livre est un ensemble organique, et l'étude approfondie des idées de ce livre engendre quelque chose comme un entraînement intérieur.” GA103 31 mai 1908, Hambourg, conférence 12

Voici Jack le chien, cousu par ma mère quand elle était à l'école au cours des années 40, et je le trouve beau. Mannequin dans cet article, il représente une idée organique complète, logiquement ordonnée qui tient debout et ayant sa propre vie. (Les amoureux des animaux doivent savoir qu’aucun mal n’a été causé à l’animal en peluche lors de la production de cet article).

Experience de reproduction des idees dans l'ordre qu'elles sont exprimées

Revenons maintenant à la reproduction des idées du livre, strictement par ordre d’apparition.  Nous pouvons pratiquer en microcosme pour certains passages du livre (en particulier les passages difficiles qui seront essentiels pour poursuivre de l'étude de manière saine, et les passages qui contiennent un intérêt caché et méritent une pause sur le chemin pour y réfléchir.).   C’est une bonne entrainement du penser, essayer de« reproduire » une séquence de pensées tirées de ce livre.  Ce n’est pas aussi simple qu’il y paraît, regardons ce qui a tendance à se produire lorsque nous essayons…

Steiner nous donne une séquence d'idées autonome, des lignes claires, avec chaque concept à sa place, prêt à être actif en nous - représenté ici par notre modèle, Jack le chien.

Nos premières tentatives pour « comprendre » les mots qui expriment les pensées de Steiner rencontreront en nous une certaine opposition. Les idees nous seront étrangers, contrairement à notre façon de penser, et ils peuvent paraître arides et difficiles à saisir. Lorsque nous essayons de les reproduire dans l’ordre, les résultats risquent d’être plutôt inégaux, superficiels et désorganisés. Certaines personnes douées en pensée intellectuelle peuvent être sûres de tout comprendre parfaitement et être capables de produire assez rapidement une « forme de chien » académique, décrite par les mots qu’elles encadrent pour elles-mêmes comme « compris ».  

A moins de prendre cela comme point de départ pour approfondir et arrondir le processus, les choses n’iront pas plus loin : une représentation aussi rabougrie d’une pensée ne deviendra jamais active, elle restera académique.

Si nous essayons d'impliquer notre véritable compréhension et de reproduire les idées de manière vivante (par exemple si on vous demande dans un groupe d'étude de reproduire une série d'idées dans le livre dans l'ordre où elles sont présentées, ou si un groupe essaie de parvenir à un consensus sur les idées exprimées), la première tentative a tendance à ressembler à ceci, c'est-à-dire que les idées de base sont là mais coupées en morceaux et collées ensemble dans un ordre totalement différent et non fonctionnel.

Quand je tente cet exercice, je le trouve très difficile ! Je m'observe et réalise que je ne sais pas par où commencer, comment saisir un point d'entrée - parfois mon esprit est complètement vide. Nous essayons de reproduire la pensée pure de Steiner, les os et la structure mêmes du chien, et il n’y a aucune information sensorielle à laquelle s’accrocher, ce qui peut être déconcertant. Il est difficile de trouver notre point de départ et de permettre ensuite aux pensées de se connecter les unes aux autres, mais nous pouvons ressentir un fort besoin de sauter vers quelque chose que nous avons saisi, de trouver notre propre façon de comprendre, en commençant par le milieu. et mettre les choses ensemble dans un ordre très différent. Nous avons saisi certaines parties et une sorte d'idée générale, mais nous n'avons pas encore réussi à rassembler les idées composites de manière à en faire une sorte de chien reconnaissable.

Helmut Palla

L'etape suivants est de clarifier et d'affiner notre compréhension, et ici souvent nous reproduisons une idée qui est à peu près ça, qui tient à peu près et tient debout…cependant un observateur attentif remarquera que les pattes antérieures ont été échangées avec les pattes postérieures. Lorsque le chien essaie de vivre et de bouger, de marcher et de sauter selon sa nature, on voit qu'il va avoir des difficultés, il va boiter, tourner en rond et tomber.

Si nous persévérons, avec plus d'intensite, avec plus de 'presence' a nous meme et nos pensees, si nous écoutons les pensées et leur permettons de se dérouler en ordre en nous, puis de les créer activement en nous, fidèlement et avec confiance, il y aura une un possibilité qu'un véritable chien pensant vivant vienne bondir à notre rencontre !